Mesurer la pollution de l’air… mais pourquoi ?

La pollution de l’air est responsable de 40 000 décès chaque année en France et elle participe en partie au réchauffement climatique. C’est devenu un enjeu de santé publique autant qu’environnemental. Pour que chacun prenne conscience de ce problème écologique, mesurer les polluants de l’air localement est nécessaire. Pour rendre visible l’invisible !

Pollution de l’air, de quoi parle-t-on exactement ?

Les polluants dans l’air proviennent pour la grande majorité des activités humaines : des transports, du chauffage des bâtiments, de l’agriculture, des industries et de la production d’énergie, du brûlage à l’air libre des déchets (déchets verts, du BTP…). 

Mais l’air peut également être pollué par des phénomènes naturels. Les plantes produisent des pollens, dont certains sont responsables d’allergies respiratoires. De manière plus exceptionnelle, les éruptions volcaniques, les incendies ou la foudre peuvent être à l’origine d’émissions de polluants dans l’air.

Particules, dioxyde d’azote… passage en revue de tous les polluants identifiés

Parmi les polluants présents dans l’air, les particules fines font beaucoup parler d’elles : ce sont des polluants complexes qu’on différencie par leur diamètre (inférieur à 10 micromètres* pour les PM10 et inférieur à 2,5 micromètres* pour les PM2,5). Leur toxicité est liée à leur nature chimique et à leur taille. Les plus fines sont les plus dangereuses car elles pénètrent facilement et durablement dans l’organisme. 

*1 micromètre (1 µm) = 1 millième de millimètre

Mais il y a d’autres polluants dans l’air que nous respirons :

  • certains gaz : dioxyde d’azote (NO2), ozone troposphérique (O3), ammoniac (NH3), dioxyde de soufre (SO2), monoxyde de carbone (CO) ;
  • l’ozone : l’ozone est naturellement présent dans la stratosphère (de 10 à 50 km du sol) ; il constitue la couche d’ozone. Formé à partir de l’oxygène de l’air, ce « bon » ozone nous protège des rayons ultraviolets. Il se distingue du « mauvais » ozone, formé dans la troposphère (du sol jusqu’à 10 km d’altitude) à partir de polluants gazeux (oxydes d’azote, composés organiques volatils…) sous l’effet du rayonnement solaire. Cet ozone a des effets nocifs sur la santé et les écosystèmes. C’est aussi l’un des principaux gaz à effet de serre. 
  • les composés organiques volatils (COV) : benzène, formaldéhyde, isoprène… ; 
  • les polluants organiques persistants (POP) dont les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) ;
  • les métaux lourds : plomb, mercure, cadmium, nickel… ; 
  • les polluants biologiques : légionnelles, pollens, moisissures ;
  • les résidus de pesticides, polluants observés depuis peu.

Pour aller plus loin : les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)

L’effet météo

En cours d’année, les épisodes de pollution sont très différents les uns des autres, d’où l’importance de mesurer tous les polluants. Les épisodes de pollution aux particules et au dioxyde d’azote ont plutôt lieu en hiver et au printemps, quand les émissions sont importantes, qu’une inversion thermique* et l’absence de vent empêchent la dispersion des polluants.

Les épisodes de pollution à l’ozone surviennent eux principalement l’été, lors de journées chaudes et ensoleillées. L’humidité, la chaleur ou le rayonnement solaire favorisent en effet la transformation chimique des polluants (lire plus haut).

*En période de grand froid, avec des conditions anticycloniques, il arrive que la couche d’air au sol soit plus froide que les couches supérieures : on appelle ce phénomène « l’inversion thermique ». Cela limite les mouvements verticaux d’air et les polluants sont bloqués au sol sans possibilité de dispersion.

Pour aller plus loin : l’indice français ATMO

C’est l’indice réglementaire national de surveillance de la qualité de l’air. Il a été modifié au 1er janvier 2021. Il propose une représentation simplifiée de la qualité de l’air quotidienne en situation “de fond”, c’est-à-dire éloignée des sources spécifiques de pollution comme les axes de trafic routier par exemple.

Quels sont les effets pour l’homme et la nature ?

Les conséquences sur la santé

Les effets de ce cocktail de polluants dépendent de la dose inhalée, mais aussi des habitudes (tabagisme…) et de la vulnérabilité des personnes exposées (enfants, personnes âgées, femmes enceintes, asthmatiques, cardiaques…). D’après Santé publique France, c’est l’exposition à la pollution sur une longue durée qui est la plus dangereuse, même en dessous des seuils réglementaires, et non celle lors des pics de pollution. L’organisme estime que la pollution de l’air, et plus précisément l’exposition aux particules fines, provoque chaque année 40 000 décès.

Cela peut se traduire par de la gêne et de l’inconfort (picotement des yeux, irritation du nez et de la gorge…), des effets plus importants et plus gênants (nausées, toux, troubles respiratoires, aggravation des symptômes d’asthme, allergies) et dans les cas extrêmes par de la détresse respiratoire et parfois des décès prématurés. La pollution de l’air est classée comme cancérogène de type 1 (avéré) par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), instance spécialisée de l’OMS.

Pour aller plus loin : les effets du confinement du printemps 2020

Une étude de Santé Publique France menée pendant le 1er confinement a montré que près de 2300 décès liés aux particules fines ont été évités et 1200 décès liés à l’exposition au dioxyde d’azote.

Les conséquences sur l’environnement

En France, l’excès de dépôts azotés, formés en partie par des polluants émis dans l’air, perturbe les milieux, avec le développement d’algues dans les rivières par exemple, avec des impacts sur la biodiversité.

Certaines cultures et forêts subissent aussi les effets de la pollution de l’air. L’ozone troposphérique peut affecter des végétaux particulièrement sensibles de façon chronique. La formation de nécroses sur les feuilles peut apparaître en quelques semaines et se traduit à plus long terme par une dégradation du métabolisme des plantes et une réduction de leur croissance. Des activités économiques comme la sylviculture, l’agriculture et la viticulture sont touchées par ce phénomène.

Enfin, en ville, la pollution de l’air salit et dégrade les matériaux et les bâtiments, entraînant de coûteux travaux de ravalement et de rénovation. Les atteintes au patrimoine bâti sont parfois irréversibles.

Pour aller plus loin : les liens entre pollution de l’air et réchauffement climatique

Sous l’effet de la chaleur, certains gaz comme les composants organiques volatils et les oxydes d’azote se transforment en ozone, un puissant gaz à effet de serre.

Quelles sont les mesures déjà prises pour lutter contre cette pollution ?

Des améliorations depuis 20 ans …

En 20 ans, les émissions et les concentrations dans l’air extérieur du dioxyde de soufre, du monoxyde de carbone, de certains composés organiques volatils et du plomb ont fortement diminué. Les pouvoirs publics ont mis en place des solutions efficaces comme l’instauration d’une norme Euro sur les rejets gazeux pour les véhicules, le renforcement des seuils pour les rejets industriels ou encore l’interdiction du plomb dans les carburants des véhicules à essence à partir des années 2000. Grâce à cette dernière mesure, les concentrations moyennes annuelles de plomb dans l’air sont devenues inférieures aux limites fixées par la réglementation française (0,5 mg/ m3). De même, au cours des 15 dernières années, une diminution des concentrations de dioxyde d’azote et de PM10 a été constatée.

Lors de pics de pollution, des mesures sont prises rapidement : la circulation différenciée (en fonction de la vignette Crit’air, en lien avec les Zones à Faibles Emissions comme celle de la Métropole du Grand Paris qui concerne Colombes), la limitation de vitesse, une réduction des prix pour utiliser les transports publics, l’interdiction de circulation des poids lourds, l’interdiction de l’utilisation du chauffage au bois en usage d’appoint ou d’agrément, l’interdiction du brûlage des déchets agricoles…

Des décisions importantes se prennent aussi localement. Ainsi, aujourd’hui, la qualité de l’air doit être prise en compte dans la planification urbaine et territoriale (prévision des infrastructures de transport, création d’espaces verts, implantation des bâtiments pour minimiser l’exposition des occupants à l’air le plus pollué…). Sur le territoire dont fait partie Colombes, Boucle Nord de Seine, un Plan Climat Air Énergie est en cours d’élaboration.

Les infos ici : https://concertationpcaet.bouclenorddeseine.fr/

…encore très insuffisantes

Malgré ces avancées, dans plusieurs zones urbaines françaises, les valeurs limites fixées par les directives européennes ne sont pas respectées. Des dépassements d’autant plus préoccupants que l’OMS préconise des valeurs encore inférieures à ces valeurs réglementaires (lire plus loin la réglementation). Inquiétant aussi, les teneurs moyennes estivales en ozone ont tendance à augmenter. L’État français a d’ailleurs été condamné à plusieurs reprises pour « action insuffisante » par la Cour de Justice de l’Union européenne.

Pour aller plus loin : quelle est la règlementation aujourd’hui ?

En France, la qualité de l’air est principalement réglementée par la directive européenne du 21 mai 2008 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32008L0050. En cas de dépassement, les États membres doivent mettre en place des mesures pour baisser le taux de particules le plus vite.

Pour sensibiliser le public et accompagner l’action politique, des données précises et localisées sont nécessaires

AirParif c’est bien mais ça ne suffit pas !

Depuis les années 1970, un vaste réseau de surveillance de la qualité de l’air a été déployé sur l’ensemble du territoire national. Il s’appuie sur des stations de référence et il est géré à l’échelle régionale par des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air : AirParif pour l’Île-de-France.

Les points de mesure sont peu nombreux mais les instruments sont implantés dans des zones soigneusement choisies et les capteurs utilisés sont rigoureusement étalonnés et exploités. Cependant, si la rue dans laquelle vous habitez ne dispose pas d’une station de mesure, ce qui a de grandes chances d’être le cas, l’estimation fournie ne correspond en fait qu’à la moyenne statistique du quartier, elle-même élaborée à partir d’un inventaire des sources fixes et du trafic moyen horaire, en tenant compte de la météorologie du jour, le vent surtout. Autrement dit, si vous cherchez à connaître votre exposition personnelle à la pollution de l’air avec AirParif, vous n’obtiendrez qu’une valeur moyenne pour un polluant donné.

Quand les citoyens s’emparent des capteurs

Pour pallier ce problème de précision, des microcapteurs de petite taille et accessibles au prix d’un smartphone sont arrivés sur le marché ces dernières années. Ces capteurs se composent d’un système de détection pour un ou plusieurs polluants, d’un système électronique pour enregistrer le signal et d’un micro-ordinateur pour l’interpréter. Souvent, ils collectent aussi l’heure, la position, la température et l’humidité.

Mais contrairement aux grandes stations de référence, les microcapteurs individuels exploitent des détecteurs de moindre qualité et leur usage ne répond à aucun protocole. Plus problématique encore, pour un modèle donné, chaque capteur se comporte différemment et il n’existe pas encore de stratégie d’étalonnage unique. Par conséquent, lorsqu’on achète un microcapteur pour son usage personnel, il est important de garder à l’esprit que l’on utilise un instrument qui, de facto, ne respecte pas les mêmes standards de qualité que les stations de référence. Il est un bon indicateur de la qualité de l’air au quotidien, un moyen de sensibiliser le grand public, mais un outil peu fiable de collecte de données à grande ampleur.

A Colombes, ce sont 30 capteurs qui seront bientôt répartis dans toute la ville

Depuis deux ans, à Colombes Respire, nous avons fait l’expérience de la difficulté de mesurer la pollution de l’air. Acheter des capteurs individuels, en fabriquer, prendre des mesures chez soi, dans la rue, revenir au même endroit le même jour, comparer avec les données d’AirParif, faire attention à la météo, remplir des tableaux excel de chiffres… Il n’y a pas de solution facile à portée de main du grand public.

Aujourd’hui, en partenariat avec l’association RESPIRE qui développe un programme de capteurs citoyens dans plusieurs régions de France, nous avons décidé de nous associer à cette démarche inédite d’évaluation de la pollution de l’air. L’intérêt est d’être le plus nombreux possible, partout en France et en Europe, à fournir des données basées sur le même protocole de collecte. L’objectif est également de permettre aux citoyens d’évaluer de manière active la qualité de l’air qu’ils respirent.

Le déploiement d’une trentaine de capteurs dans toute la ville de Colombes vise :

à développer l’expertise citoyenne des Colombiens sur la qualité de l’air,

à développer la culture des projets open-source, avec des données en open data,

à contribuer à faire évoluer les comportements, notamment de mobilité,

à faire émerger des propositions provenant de la société civile ou des acteurs politiques.

Les capteurs fournis par RESPIRE ont une précision limitée et les valeurs qu’ils transmettent sont indicatives, sans valeur juridique ni règlementaire. Ils mesurent la concentration de particules fines PM10 et PM2.5, qui ne sont que deux des nombreux polluants de l’air. Les valeurs, affichées sur un écran à cristaux liquides sur le capteur, sont téléversées sur le site opendata de Sensor community (https://sensor.community/) et donc rendues publiques.

Participer à la campagne de mesures de la pollution de l’air à Colombes en installant un capteur chez vous : infos ici

A télécharger : les guides de l’ADEME « La pollution de l’air en 10 questions » et « Un air sain chez soi, des conseils pour préserver sa santé »

Sources

RESPIRE : https://www.respire-asso.org/

ADEME : https://www.ademe.fr/

AirParif : https://airparif.asso.fr/

The Conversation « La pollution peut tuer, comment connaître sa propre exposition ? »16 déc. 2020, article co-écrit par Jérémy Hornung de l’association PartiCitEnv’s http://www.particitae.upmc.fr/fr/index.html

Le site d’actualité scientifique Quoi dans mon assiette « La pollution peut tuer, comment connaître sa propre exposition ? »16 déc. 2020, article co-écrit par Jérémy Hornung de l’association PartiCitEnv’s https://quoidansmonassiette.fr/particules-particulates-matter-fines-polluantes-pm10-pm2-5-qualite-air-effets-sante-environnement/

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